mercredi 11 janvier 2012

Le Pub Rock


       Le Pub Rock est une variante du rock qui apparait en Grande-Bretagne au début des années 70, plus exactement entre 1973 et 1974, et qui préfigure le mouvement punk.  Son nom vient du fait que les pubs étaient les seuls endroits à accepter les groupes jouant cette musique. Au début des années 1970, alors que les hit parades sont envahis par les groupes de rock progressifs, avec des morceaux symphoniques comme ceux de Pink Floyd, de jeunes musiciens britanniques demandent un rock plus excitant et plus près de ses racines blues et rhythm’n’blues, dans la lignée des Rolling Stones des années 60. Ces groupes commencent généralement par des reprises du blues et du rhythm’n’blues comme Chuck Berry, jouées souvent plus rapidement.  Ces reprises sont bientôt accompagnées de leurs propres compositions donnant naissance à un rock énergique. Brinsley Schwarz est l’un des groupes précurseurs de ce mouvement. Faute de pouvoir trouver des salles de concert de petite taille correspondant à leur public, ils décident de jouer dans des pubs. Les propriétaires de ces établissements se rendent rapidement compte du bénéfice de tels concerts sur leur chiffre d'affaire et nombre d'entre eux aménagent leurs locaux en fonction. 
        Ce mouvement reste assez peu connu du grand public, du fait de la courte durée de son succès et de l’arrivée du mouvement punk qui crée plus d’engouement. Pourtant certains groupes ont été numéro 1 en Grande-Bretagne. Cependant le mouvement ne disparait pas. Le Pub rock est une étape importante de l'évolution du rock. Il permit la création d'un réseau d'endroits pour jouer en public, qui a son tour encouragea la création de nombreux groupes. Il encouragea aussi la création des premiers labels indépendants, avec d'abord Stiff Records, puis de nombreux autres. Il fut ainsi d'une grande influence dans le développement du mouvement punk.

Principaux groupes Pub Rock :

  • Dr. Feelgood

Dr. Feelgood est le groupe britannique sans doute le plus représentatif du genre. Il est essentiellement articulé autour du chanteur et harmoniciste Lee Brilleaux (Lee Collinson, 1952-1994) et du guitariste Wilko Johnson (né en 1947). Leur style est une sorte de rhythm’n’blues puissant et minimaliste, fait de compositions originales et de nombreuses reprises de standards du blues et du rock 'n' roll. Le nom du groupe vient de l'argot anglo-saxon désignant l'héroïne ou un médecin disposé à prescrire une surabondance de médicaments. En 1962, ce même nom est utilisé par le pianiste et chanteur de blues américain Willie Perryman.
            En 1964, deux amis d’enfance John Wilkinson (Wilko Johnson) et Johnny Martin (The Big Figure), fondent leur premier groupe, les Roamers à Canvey Island. Wilko Johnson rejoint une autre formation, The Heap, qui s’arrête en 1967 suite à son départ pour Newcastle ou il obtient une licence de Lettres. A son retour à Canvey Island en 1971, il rencontre Lee Brilleaux et John B. Sparks jouant dans la rue. Ces derniers lui proposent de former un groupe. Johnny Martin est rappelé.
             Le groupe se produit dans les pubs du sud-est de Londres d’après les recommandations de Will Birch (ils accompagneront le chanteur Heinz) et commence à recevoir un accueil de plus en plus enthousiaste du public, ce qui attire l’attention du label United Artists qui les fait signer en 1974.Le premier single "Roxette" sort fin 1974, suivi de l’album "Down By The Jetty" considéré comme un ovni. En effet, l’époque est aux progrès technologiques, au gigantisme. Cet opus a été enregistré en mono, en une seule prise, et la pochette est une "simple" photo en noir en blanc. C’est néanmoins "Malpractice" qui apporte le succès au groupe et le live "Stupidity" qui les sacre : il sera à la première place des charts en Angleterre. 

Dr. Feelgood - Roxette :





 Philippe Manœuvre a écrit cet article concernant l’album live « Stupidity » de Dr. Feelgood : 

 
"Je l’ai toujours dit, toujours su ! Depuis ce premier concert auquel j’ai assiste au premier janvier au Marquee, après le Bataclan, l’Olympia, Orange, La Villette rouge, finalement, voici le disque de Doctor Feelgood qui est aussi bon que sa légende ! L’album enregistré en public qui e laisse rien passer, celui qui vous envoie d’un uppercut sur le tapis et vous fait revenir en rampant pour en redemander ! Doctor Feelgood live ! Le premier disque des Feelgood fut accueilli avec réserves. Le temps ne les a pas levées. Un son trop restreint, malgré une flopée de petits morceaux vicieusement courts. Le second était meilleur, mais même s’il levait les ambigüités et révélait en Brilleaux un chanteur de la classe des plus grands (entre Burdon et John Kay), il n’était pas aussi crucialement revigorant que les concerts du damné Dicteur.

Ici, vous aurez tout, et cela signifie foutrement plus qu’avec n’importe qui. Cet album est de la classe star. La basse de Sparko n’a jamais été mieux enregistrée. Sur "Talkin’ About You", il vous tapisse le bas-ventre de feu. La guitare de Wilko Johnson est capturée dans ses soubresauts les plus tueurs. Un guitariste qui peut retrouver à lui tout seul et à la fois la virtuosité de Chuck Berry et la sonorité de Bo Diddley est un génie dans mon journal intime. Lorsqu’il s’aventure dans des solos explosifs et perce le gruyère à la nitroglycérine, comme ici, il s’impose comme le successeur absolu des Groovies, des Who, et j’en passe. Figure, le big batteur, a enfin trouvé son style, et son tempo est aussi saturé et concerné par ce qui se passe qu’on pouvait espérer qu’il le deviendrait. J’espère que vous ne comptez pas sur moi pour vous décrire les nouveaux arrangements de "I’m a Man", de "Walking The Dog" ou de "I’m a Hog For You Baby".

Je me ferais ce faisant penser à ces critiques stupides qui dévoilent le nom de l’assassin à leurs lecteurs. Et ça ne me laisserait pas assez de place pour louer Mister Lee Brilleaux, le grand vainqueur de l’affaire. Ses cris d’étripé, sa voix extasiée modulant un perpétuel Rock’n’Roll, ses solos d’harmonica purs comme l’enfer, me mettent en transes. Et voilà, chers petits amis ! Et vous aussi, mignonnes lectrices, sachez que cet album dont vous voyez la pochette reproduite est capable de rivaliser avec tous les grands albums live qui donnèrent au Rock cet aspect de bête furieuse et sauvage, de fauve au poil collé que l’on enfourche pour des chevauchées asphyxiantes. Le son est fabuleux, intense. J’ai testé ce disque avec un indicateur de puissance instantanée : sur "Goin’ back Home", on voit des crêtes de 55 watts d’un seul coup ! En dirai-je plus ? En dirai-je plus ? Oh, là, là ! je n’en dirai pas plus."


Philippe Manœuvre.
© Rock & Folk n°118, novembre 1976 

Dr. Feelgood continua, fidèle à la tradition jusqu'à la mort de son chanteur Lee Brilleaux en 1994.

Pour plus d’informations sur Dr. Feelgood : http://www.drfeelgood.fr/

  •  Eddie and the Hot Rods

       Paul Gray répond 13 juillet 1975 à une annonce « recherche bassiste ». Le lendemain il va à Canvey Island pour passer l’audition. Il pensait ne pas être pris et pourtant c’est lui qui est retenu.
Eddie & The Hot Rods voit ainsi le jour à Southend, Essex, région prolifique puisqu’elle voit éclore d’autres formations comme Docteur Feelgood, Nine Below Zero.
        Le groupe se compose donc de Dave Higgs à la guitare, Steve Nichols à la batterie, Lew Lewis à l’harmonica, Barrie Masters au chant et Paul Gray à la basse.
        Pour l’anecdote, Eddie est le nom d’une marionnette que Barrie Masters utilisait à ses débuts sur scène : "Nous avons fabriqué cette marionnette de 6 pieds 6 pouces (environ 2 mètres) avec un chapeau mou, un costume rayé et des lunettes de soleil. Nous le suspendions dans une sorte de cage à perruche qui se trouvait à l'arrière de la scène, là où il faisait très sombre. J'allais vers lui et lui parlais pendant la représentation. A la fin du concert, on le flanquait par terre et on le tabassait. Nous avions l’habitude de l’appeler Eddie, c’est de là d’ou vient notre nom."

         Ed Hollis rejoint la troupe un mois plus tard. Tel Ian Stewart des Rolling Stones, Ed Hollis endossera le rôle de "cinquième membre"... Les choses vont alors s’enchainer très vite. Il leurs dégotte un concert londonien, au Kensington. Au travers de ses concerts, et en l’espace seulement de trois mois, le groupe se forge une solide réputation, l’énergie débordante dégagée par Barrie Masters n’y étant pas pour rien. C’est cette même énergie qui contaminera un certain Howard Thompson d’Island Records qui les fait signer pour un contrat de cinq ans.
          Leur style se rapproche dans un premier temps du Rhythm’n’Blues (Rolling Stones du début, The Who, The Kinks…) mais Eddie & The Hot Rods apporteront une certaine rapidité et dureté se rapprochant davantage du Punk-Rock que du Pub-Rock, les textes des chansons évoquant davantage l’adolescence et ses "problèmes", que la lutte des classes… permettant probablement une plus large identification du jeune public au groupe. Leur premier album s'appelle d'ailleurs "Teenage Depression". Pierre Dauriac, qui a plusieurs fois fait jouer le groupe en France, témoigne : "Quand le Punk est arrivé, il a donné de la fraîcheur. Car dans les années 70, il y avait beaucoup de musique surfaite, des grosses machines. Le Punk était un mouvement musical qui - même s'il est né en Angleterre pendant la période thatchérienne - ne portait pas vraiment de revendication politique. À l'exception des Clash bien entendu. Tout était basé sur l'énergie."

         Le rythme des concerts s’accélère, les Hot Rods sont contraints de quitter leurs emplois "journaliers" pour se consacrer à plein temps à la musique. Suivent leurs premiers enregistrements.
Eté 1976. Le groupe joue au fameux Marquee Club à Londres, alternant avec une autre future légende, australienne cette fois-ci, AC/DC. Club qui ne leur était pas inconnu puisqu’ils s’y étaient produits en février avec comme premier partie les Sex Pistols encore inconnus au bataillon. Ces derniers auraient fracassé le matériel des Hot Rods, ce que les media ont commenté en long et en large dans leurs colonnes, "Rods versus Pistols" (sans rappeler la polémique Stones/Beatles)

Eddie and the Hot Rods ont eux-aussi été numéro 1 en Angleterre grâce à leur chanson "Do Anything You Wanna Do" : 



         En 1977 arrive l’apogée du Punk. "La scène musical a changé à jamais, le Punk a rendu possible avec trois accords la formation d’un groupe. Souvent les mêmes accords d’ailleurs… The Damned, The Clash, The Stranglers… nous étaient contemporains et nous jouions fréquemment dans les concerts des uns et des autres." Année jonchée de tournées, de show télévisées, d’enregistrements… Le EP live "At The Sound Of Speed" (clin d’œil à l’opus des Wings "At The Speed Of Sound" sorti l’année précédente) qui produit cette année là traduit bien cette ambiance live. C’est en l’enregistrant que les Hot Rods font la connaissance du guitariste Graeme qui les rejoint ponctuellement sur scène avant de devenir un membre à part entière.

Aujourd’hui le groupe existe encore et joue toujours, avec Barrie Masters comme leader. D’ailleurs ce groupe est plutôt moderne puisqu’il a un myspace : http://www.myspace.com/eddieandthehotrods


 
          D’autres groupes ont marqué le Pub Rock. C’est le cas par exemple de Brinsley Schwarz, Nine Below Zero, Ace, The 101’ers (premier groupe de Joe Strummer). En France, le groupe Little Bob Story se rapproche de ce mouvement.

 


Aujourd'hui le Pub Rock n'est pas mort, puisqu'en 2011 la tournée "Pub Rock Legends" a réuni Dr. Feelgood, Nine Below Zero, Eddie and the Hot Rods et Classic and Troubles.

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