dimanche 15 janvier 2012

Motown Records pendant les années 70: autour de Stevie Wonder

Cet article publié par Emmanuel Cannicio sur un autre blog , faute de codes disponibles, figure ici sans les extraits de musique. Il suffit de cliquer sur le titre pour avoir la version originale et les musiques.

"Motown made me the man I am today" ("Motown a fait de moi l'homme que je suis actuellement") a dit l'actuel président américain Barack Obama. Qu'en déduire de cette déclaration ? De toute évidence, Motown Records a marqué de son empreinte toute une génération, voire davantage. En effet, en janvier 1959, un producteur américain, Berry Gordy crée à Détroit dans le Michigan, la compagnie de disques Motown Records.
Motown vient à l'origine d'une contraction de Motor Town ("la ville du moteur", référence à Détroit, capitale de la production automobile de l'époque). Quant au mot Records, il signifie "disques" en anglais.
Les principaux objectifs, à l'origine du projet, étaient d'une part de séduire à la fois la population blanche et la population noire des Etats-Unis; et d'autre part de rendre les musiques accessibles au plus grand nombre.
Pour cela, il associe de jeunes talents avec les meilleurs compositeurs de l'époque (Berry Gordy lui-même n'hésitera pas à composer lui-même certaines musiques). Les styles de musique de prédilection de la compagnie sont principalement la soul et le rhythm and blues avec quelques influences de pop et de gospel. C'est le son Motown, crée par les Funk Brothers, un groupe de musicien studio, issus du label fondé par Berry Gordy.


On peut également affirmer que de nombreux artistes de l'univers de la soul et du rhythm and blues sont issus de Motown Records. En effet, la compagnie de disque de Détroit a permis l'éclosion de nombreux artistes tels que Diana Ross (et les Suprèmes), Michael Jackson (et les Jackson Five), Marvin Gaye ou encore Stevie Wonder.
Seul problème pour les artistes : les contrats qui les liaient à Motown étaient relativement avares en taux de royalties (redevances) à leur goût. Certains quitteront donc Motown pour tenter leur chance ailleurs.
Cependant, en 1983, certains d'entre eux accepteront de revenir le temps d'un concert qui deviendra par la suite un évènement dans le monde de la musique: le 25eme anniversaire de Motown. Diana Ross, Michael Jackson (qui exercera devant le monde entier son désormais célèbre Moonwalk) ou encore Marvin Gaye.

Bien que n'ayant pas participé au concert évènement (mais étant présent aux 30ans de la compagnie de disques), Stevie Wonder fut l'un des musiciens les plus emblématiques du label crée par Berry Gordy.
L'histoire entre Stevie Wonder et Motown Records débute en 1962: Stevie a douze ans et est repéré par Ronnie White, le compositeur du groupe The Miracles. Ronnie White lui propose donc de signer à Motown, à l'affut de jeunes talents. A ce même âge, il sort déja son premier album Little Steve Wonder. Stevie est un talent précoce, à tel point qu'avant même sa majorité, il lui arrivait de composer et de produire lui même ses musiques ! C'est le début de la gloire pour lui et son titre Fingertips le révèle au grand public.
Cependant, ses relations avec la Motown ne seront pas toujours heureuses, le jeune chanteur souhaitant une totale liberté artistique, ce que lui a, un temps, refusé la compagnie de disques. En 1971, à sa majorité, le bras de fer tourne à l'avantage du chanteur originaire du Michigan. Son album Music of my mind est représentative de sa désormais liberté artistique, notamment par le nom de l'album lui même (l'on pourrait traduire par la musique qui vient (directement) de moi ou MA musique), mais aussi par le fait que cet album soit exclusivement produit par le chanteur lui même ! C'est aussi le début de l'utilisation des synthétiseurs. On peut dire que Stevie Wonder est en quelque sorte le pionnier des synthétiseurs.
Durant les années 70, c'est la période dîte classique de Stevie Wonder (que l'on estime jusqu'en 1978). Les thèmes abordés sont variés, ce qui fait sans doute la force de séduction de ce chanteur, de la dénonciation de la société américaine (et notamment la place des Afro-Américains aux Etats-Unis) à la ballade en passant par quelques morceaux commerciaux qui se hisseront dans le TOP des ventes de l'époque.

A la fin des années 70, la carrière de Stevie Wonder va prendre un autre tournant: s'il jouit encore d'une belle popularité dans le monde du rock, nombre de critiques musicaux pensent que sa meilleure période fut celle des années 1970. Certains reprochent même à cet artistes certains de ces choix de carrière (comme par exemple ses featuring avec certains rappeurs américains comme Snoop Dogg ou Busta Rhymes)


Stevie Wonder restera néanmoins l'un des artistes rock les plus emblématiques de l'histoire et est cité comme référence artistique par grand nombre d'artistes ou de célébrités comme George Michael, Barack Obama, Sting, Prince et même Pavarotti !
On peut donc dire que Stevie Wonder et Motown Records sont deux éléments complémentaires. Stevie Wonder doit en majeure partie son succès à Motown Records. Inversement, la Motown doit également sa popularité à des artistes comme Michael Jackson, mais aussi Stevie Wonder ! Les années 70 ont donc également été un tournant pour Motown Records ET pour Stevie Wonder.

Emmanuel Cannicio

vendredi 13 janvier 2012

Punks : no future ?

Pour répondre à la question : « Le mouvement punk fut-il vraiment "no future" », j’avais la possibilité de consulter un dictionnaire[i], de lire des revues spécialisées, qu’elles soient en français[ii] ou en anglais[iii].

J’ai choisi – outre ces lectures – de demander à Gérard Milhe Poutingon de me raconter sa vision de ce mouvement, lui qui a rencontré le punk dans les années 1970, et qui continue de lui trouver beaucoup d’intérêt.

Je le remercie ici de m’avoir donné cet aperçu de la « punkitude » britannique, univers que je connaissais fort peu.



Q : Voici deux images côte à côte dont l’une date de la fin des années 1970 et l’autre de quelques semaines à peine : cela vous permet-il de dire, vous qui vous y êtes intéressé à l’époque, que le punk n’est pas mort, et que donc il n’était pas « no future » ?

R : Moi, le « no future », je le comprenais comme appliqué à la jeunesse de l’époque, qui ne se voyait pas de vrai avenir, et ce "sans avenir" se cristallisait dans le mouvement punk… Le mouvement punk lui-même, tel que moi je le comprenais, comme un affranchissement des règles, du dogmatisme, de la tradition scolaire, bourgeoise, etc, ça je pense que ça ne peut pas périr… ça, ça dure… parce que c’est le seul aspect du punk qui m’intéressait.

Q : Si on décline le punk comme ayant eu des aspects musicaux, visuels, politiques, artistiques, est-ce plutôt ce dernier aspect qui vous intéressait ?

R : Oui ; cela dit quand on regarde l’évolution des groupes phares punk de l’époque, soit ils ont disparu, soit ils ont évolué, les Clash par exemple…

Q : Vous avez rencontré ça comment ?                                       

R : J’habitais Calais, et il y avait une grande proximité avec l’Angleterre. Pour un adolescent calaisien des années 76, pour moi et mon large groupe d’amis à l’époque, la culture était anglaise. Comme la télévision française à l’époque était un vrai désert, on captait la BBC, on regardait la télévision anglaise qui était infiniment plus riche. On captait aussi les radios pirates comme radio Caroline, qui émettait depuis un bateau.

Q : Vous compreniez les paroles ?

R : Pas toutes mais elles ne m’intéressaient pas plus que ça parce que j’écoutais ça comme de l’expression musicale… Même si je les comprenais, comme par exemple celles des Sex Pistols, Anarchy in the UK, mais je mettais plutôt ça sur le compte d’une posture rock and roll, une expression musicale qui me plaisait à l’époque, et qui continue de me plaire.

Q : Vous avez mentionné les Clash et les Sex Pistols : vous pouvez citer d’autres groupes ?

R : Jam… Je me souviens avoir vu en concert à l’époque des groupes mineurs qui n’existent plus, qui n’ont jamais dû faire de disques, les Doctors of Madness par exemple.

Q : Les concerts, c’était à Londres ?

R : Non, à Calais, les groupes venaient à Calais. J’aimais beaucoup aussi Joy Division, qui n’était pas un groupe punk et qui est venu plus tard, au début des années 80, mais pour les mêmes raisons : parce que ça sonnait… ça sonnait sale, pas comme Genesis ou Pink Floyd que j’aimais bien aussi par ailleurs … cette esthétique sale, qui avait l’air très improvisée, qui refusait les arrangements, les productions, et que de cette esthétique-là puisse sortir une force d’émotion, c’est ça qui me plaisait… une émotion artistique qui naît d’une apparente improvisation, d’un apparent amateurisme. C’est ça que j’aime aussi dans l’art brut, et aussi dans l’art tribal, … j’y retrouve la même émotion pour la même raison… des gens qui ne sont manifestement pas allés aux Beaux Arts, par exemple, pour l’art tribal, je pense à ce que font les forgerons africains qui parviennent à fabriquer des formes sublimes avec un minimum de moyens… C’est ça qui me plaisait dans le punk. Et puis j’aimais beaucoup le rock and roll. D’ailleurs, il y a eu un flottement au début, on ne savait pas trop qui était punk, on ne savait pas trop ce que c’était que le punk… Le punk a été fabriqué ensuite.

C’était dans la façon de jouer, de chanter de produire chez les punks il y avait un côté amateur, une façon de chanter, vous savez, Johnny Rotten, le chanteur des Sex Pistols a influencé ça, un chant qui n’était pas vraiment un chant, de même que les disques n’avaient pas l’air produits, les morceaux n’avaient pas l’air joués, le chant n’avait pas l’air chanté, les paroles… étaient parfois éructées… parfois la voix était nasillarde… c’était pas du chant…

Le chant de Strummer évolue, les Clash en arrivent à faire ensuite une musique plus élaborée, plus riche, mais sans perdre l’esprit punk… Il y a un mouvement punk mais aussi un esprit punk.

Q : Donc le mouvement punk pouvait être no future et effectivement il n’a pas duré, mais l’esprit punk, lui, dure…

R : Oui. C’est comme ça que j’ai perçu la chose.

Q : Vous avez dit que le punk avait été « fabriqué »

R : Je me souviens qu’à l’époque on ne trouvait pas à Calais le premier disque des Sex Pistols et on est allés le chercher en Angleterre mais j’ai pas du tout le souvenir d’avoir vu ces crêtes d’Iroquois ou des choses comme ça. C’est sûr, on voyait des chaînes autour de la taille, des blousons, etc, des grosses Doc Martens, mais dans mon souvenir c’est venu après, cette imagerie… Quand j’essayais de singer les punks, je me souviens pas de m’être dit… aller jusqu’à porter une crête : j’ai pensé au noir, au métal, et à l’épingle de nourrice… Je m’en étais fait une fausse… Faut quand même pas exagérer ! (Rires)… Je me la clipsais dans le nez, ou dans l’oreille…

Q : Le punk, c’était donc un moyen de vous singulariser ?

R : C’était surtout la musique… J’avais une forme de violence, que j’exprimais physiquement en faisant de la boxe à l’époque, et la musique punk avait cette énergie, mais le message politique ne me concernait pas parce que j’avais trop à faire avec moi-même, c’était une forme d’expression musicale qui me convenait, qui correspondait à mon moi intérieur…

Q : C’était un moyen d'être « avec vous » ?

R : Oui, c’est ça, j’avais ces deux moyens, la musique et la lecture. C’étaient aussi des moyens de sortir du monde…

Q : Une posture un peu romantique ?

R : Ah oui ! Je lisais aussi beaucoup de littérature romantique. Certains groupes punk, d’ailleurs, ont évolué vers cette sorte de romantisme : je pense aux Stranglers par exemple. D’ailleurs, d’une certaine manière, au punk a succédé la new wave, ou la cold wave, et il y avait une forte dose romantique donc forcément une forte mélancolie. D’ailleurs Ian Curtis le chanteur de Joy Division s’est suicidé. Je pense que ce sont des gens comme lui qui ont incarné le « future » des punks plus que McLaren et compagnie.

Le punk en soi ne m’a pas intéressé mais il a répondu à certaines de mes attentes de l’époque, l’énergie, la fraîcheur musicale et en même temps la cristallisation de certaines tensions intérieures, à la fois une certaine violence et une certaine mélancolie, donc à l’époque, lectures romantiques et boxe… un personnage à la Jack London, pas le romantique avec son jabot de dentelle…

Q : Et le contexte économique ou politique de l’époque, les années Thatcher, la fin des Trente glorieuses, est-ce que ça entrait en ligne de compte ?

R : Non, ça c’est venu après… A l’époque, je n’avais pas de conscience politique… C’était un mal-être général… J’étais passionné de musique et d’art, j’aimais beaucoup la peinture aussi, et je trouvais que ce qu’on écoutait à l’époque était quand même très ennuyeux, et quand j’écoutais les Clash par exemple, la vie était là. La boxe aussi d’ailleurs, la vie était là, quelque chose qui bouge, le mouvement, qui est assez rugueux…

Q : Donc le punk c’était un moyen à la fois de…

R : Oui c’est ça. A la fois un moyen d’échapper à quelque chose – une petite vie bourgeoise – et un moyen d‘exprimer cette sorte de tension intérieure, dont j’imagine que tous les adolescents la ressentent. De toute façon cette idée qu’il n’y a pas de n’envisager aucun futur engendre la mélancolie, il y a là une sorte de pulsion mortifère quand même, dans le punk, qui à mon avis s’exprime en même temps qu’elle trouve sa compensation, et c’est peut-être ça qui m’intéressait… Je suis peut-être en train d’intellectualiser, de rationaliser… Mais l’idée qu’il n’y a pas de futur et en même temps pratiquer une forme d’art aussi énergique, aussi dynamique et vitale… Je ne sais pas… Je ne sais pas… En tout cas c’était cette forme d’expression, cette nouveauté affranchie de tous les carcans, de la culture bourgeoise… Ces gens-là n’allaient pas dans les écoles d’art, ne suivaient pas des cours de musique, de solfège, ils n’avaient pas d’argent, ils s’achetaient une guitare, ils jouaient, et voilà.

Q : Et quand on sait que certains d’entre eux venaient de la petite bourgeoisie, comme Joe Strummer, on peut penser qu’il y a là aussi une rupture…

R : Oui, il avait une conscience politique très aiguë, c’était vraiment un marxiste. Et quand la musique de Clash a évolué, il a offert à son public un disque extrêmement généreux, avec Sandinista, où il y a du rock varié, avec du punk, du reggae…








[i] Michka ASSAYAS, Dictionnaire du rock, Paris, Robert Laffont, 2001 pp 1484-1490
[ii] Les Inrocks2, 50 ans de rock volume III, 2004, pp 24-28
[iii] Uncut, October 2004

London calling

Pennie Smith, photographer,

“I still have this old-fashioned mentality where I can’t conform, and I think they were very much like that. Despite Joe’s upbringing as a nice middle-class boy, they were revolutionaries in their heads.”

Uncut 2004

And she should know :


She made one of the most famous photographs in the history of rock 'n' roll - the cover image for London Calling by The Clash.



I think they decided I was the photographer for them because I could do in pictures what they made in noise."

O.T.H.

On retrouve cette volonté de se situer comme un rebelle dans de nombreux titres, y compris celui du groupe punk français O.T.H. dans un disque des années 1980.

Ainsi dans la chanson « Les révoltés du bloc B » ils se signalent comme habitants d’une banlieue trop urbanisée, tout comme dans « Death and glory » en 1979 les Clash se décrivent comme vivant dans « every dingy basement, ou arpentant every dingy street ».

Les Sex Pistols : « porte-fringues » ?

Les Sex Pistols : « porte-fringues » de Vivienne Westwood ?

La commercialisation du punk-rock à Londres revient à Malcolm McLaren … Il ouvre sa boutique SEX sur King’s Road. Sa compagne Vivienne Westwood y vend des tee-shirts troués à épingles de nourrice… Une clientèle de traînards s’attarde là : parmi eux John Lydon, le futur Johnny Rotten… L’associant à de jeunes musiciens de pub-rock McLaren entreprend de modeler un jeune groupe, les Sex Pistols…

Michka ASSAYAS, Dictionnaire du rock

Comment les styles culturels se forment-ils ?

Prenons un exemple, les punks. A Londres, dès 1975 et en 1976, une petite clique de jeunes (certains et certaines étaient connues sous le nom de Bromley Contingent car ils et elles venaient de Bromley, une banlieue au sud-est de Londres), commencèrent à se réunir en divers endroits, du côté le moins prestigieux de King’s Road.

SEX, la boutique de Vivienne WESTWOOD et Malcolm McLAREN était l’un de ces endroits, et les fringues plutôt bizarres qu’on y vendait (des accessoires fétichistes en caoutchouc.

Jordan en 1977, manager de SEX,
personnalité extraordinaire et de premier plan,
clé de voûte des premiers déburs du punks.
(Ted Polhemus, Looks d'enfer).

Ted Polhemus, Looks d’enfer, Editions Alternatives, Paris, 1995


Ted Polhemus, born 1947, is an American anthropologist and writer. He is currently living in the UK. His work focuses on fashion and anti-fashion, identity, and the sociology of style and of the body.


Vivienne Westwood [née en 1941], et Malcolm McLaren [1946-2010] 

L'aventure commune commence par l'ouverture à Londres, au 430 King's Road, d'une boutique caméléon qui se métamorphosera au gré des fantaisies de ses propriétaires. En pleine période hippie, la devanture affiche « Let It Rock » (Soyons rock) et propose des reproductions de vêtements de rockers, des pièces anciennes, ainsi que les premières créations de Vivienne […]. En 1975, la dénomination se change en « Sex » et intéresse une autre minorité, celle des voyeurs, des fétichistes, ainsi que tous les proto-punks qui hantent King's Road à la recherche d'oripeaux susceptibles d'horrifier le bourgeois. L'année suivante, alors que McLaren est le manager des Sex Pistols, idoles des punks, le magasin s'intitule « Seditionaries-Clothes for Heroes » (Sédition. Vêtements pour héros). Le décor, une fois de plus, change, et les vêtements reprennent tous les points forts des collections précédentes : le cuir, les chaînes, les badges des bikers, autant que les lanières, les zips et le reste de l'attirail fétichiste. Ainsi se trouve constituée la panoplie des punks, et révélée l'étonnante faculté de Westwood à manier la provocation et la transgression de tabous.

Universalis


On October 7 2004 a major exhibition was held in London’s Covent Garden, featuring a vast range of iconic punk images, among them T-shirts, posters and Sex Pistols sleeve artwork by designer Jamie Reid, examples of punk fashion designed by Vivienne Westwood and Malcolm McLaren.

Uncut 2004

Ce qu’on pourrait appeler le « paraphernalia » (= accoutrement) punk donne donc lieu, des années après, à une vente exposition… Ainsi la tenue de ce garçon :

Un punk parmi une centaine qui, à Londres dans les années 80,
exercèrent l'équivalent visuel de l'activité de musicien de rue,
en posant pour de l'argent sur les photos des touristes.
(Ted Polhemus, Look d'enfer).

Premier disque des Sex Pistols

Mouvement musical ayant atteint son apogée vers 1977 en Grande-Bretagne, le punk, ou punk-rock, se voulait l'expression brute d'une jeunesse désœuvrée, révoltée et provocatrice.

Un Londonien du nom de Malcom McLaren, va exporter [depuis les Etats Unis] ce terme et ce concept dans la capitale britannique, pour le commercialiser littéralement en lançant un groupe qu'il fabrique de toutes pièces, The Sex Pistols. À grands coups de provocations et de textes sarcastiques, prônant l'anarchie, l'esclandre et le manque total de technique instrumentale, les Sex Pistols ouvrent une brèche

Christophe LORENTZ

Cendrier en métal forgé

Cendrier forgé, à partir de métaux de récupération martelés par un forgeron africain anonyme.


Une esthétique sale...

"esthétique sale" : la force rare de l'expression signifie bien ce que les dictionnaires et les journalistes-auteurs spécialistes décrivent ainsi :

Le mouvement punk culmina en 1977, mais après l’impact, il se prolongea en un genre musical à base d’accords de guitares rapides et saccadés, de chant hurlé ou aboyé… "esthétique sale" : la force rare de l'expression signifie bien ce que les dictionnaires et les journalistes-auteurs spécialistes décrivent ainsi :

Michka ASSAYAS, Dictionnaire du rock

Le chant, hurlé, refuse une approche mélodique construite. Le timbre évoque la saturation des guitares électriques.
Christophe LORENTZ

Anarchy in the UK

Anarchy in the UK by the Sex Pistols in 1976 : lyrics

I am an anti-christ
I am an anarchist
Don't know what I want
But I know how to get it
I wanna destroy the passerby
Cause I wanna be anarchy
No dogsbody (id = stooge = larbin)

Anarchy for the UK
It's coming sometime maybe
I give a wrong time stop
A traffic line
Your future dream is a shopping scheme

I wanna be anarchy in the city
There are many ways to get what you want
I use the best
I use the rest
I use the enemy
I use anarchy

I wanna be anarchy
It's the only way to be
Is this the MPLA or
Is this the UDA or
Is this the IRA ?


MPLA

Le Mouvement populaire de libération de l'Angola : fondé en 1956 pour lutter en faveur de la libération nationale de l'Angola, son combat aboutit à la proclamation de l'indépendance du pays le 11 novembre 1975. Il est membre de l’Internationale socialiste.

UDA

L'Ulster Defence Association est une organisation paramilitaire protestante loyaliste, impliquée dans le conflit nord-irlandais.

IRA

L'Armée républicaine irlandaise : nom porté, depuis le début du XXè par plusieurs organisations paramilitaires luttant par les armes contre la présence britannique en Irlande du Nord.

Anarchy in the UK by the Sex Pistols in 1976 : vidéo

"We don't need no education"

Ce refus s’exprime aussi dans une autre chanson, quasi contemporaine du punk…

Roger Waters qui en a écrit les paroles, a eu l’habileté d’employer des tournures grammaticales incorrectes (la double négation don’t + no répétée deux fois ; them pour the kids) : elles sont courantes dans la langue populaire, et, bien plus que les mots eux-mêmes, elles signifient le rejet d’une éducation scolaire, puisqu’habituellement ces fautes de grammaire stigmatisent les un-educated people.

"We don't need no education
We don't need no thought control
No dark sarcasm in the classroom
Teacher leave them kids alone
Hey teacher, leave the kids alone"

Pink Floyd, Another Brick in The Wall, part 2

Le Royaume Uni au début des années 1970

Issued that winter [1979] London calling marked a turning point not only for The Clash but for punk also. As political as ever (it was written in the first months of Thatcher’s premiership [which began on May 4 79] and addressed thermo-nuclear catastrophe, international fascism, gun crimes and Wall Street decadence).
Uncut

Les paroles de cette chanson sont un manifeste annonçant que les temps difficiles sont à venir : The ice age is coming…, un appel à la rébellion : London calling for the underworld… Le monde souterrain doit se révolter, au risque de la répression : the ring of that truncheon thing [le bruit que fait la matraque qui « sonne » sur un crâne de manifestant…]
Contexte : le Royaume Uni au début des années 1970
Société : depuis 1972-73, dans les tabloïds, des sujets sont développés pour inquiéter la population = vandalisme, pornographie, sexualité en général… Le côté permissif des années 60 est en partie rejeté.
Violences : 1974, l’IRA, bombes et vagues d’attentats, déstabilisation du pays (Bloody Sunday le 30 janvier 1972)
Récession : en juillet 1975 le chômage atteint son plus fort niveau depuis la seconde guerre mondiale. Les dépenses publiques représentent  45% du revenu national.
Politique : 1975, THATCHER, première femme à la tête du parti conservateur : rhétorique autoritaire, importance de la propriété privée, programme libéral musclé, pour l’initiative privée, contre la planification, contre l’Etat-providence (celui développé par le parti travailliste depuis la fin de la seconde guerre mondiale),
Une « National Association for Freedom » se forme, très à droite : sentiment de peur et de culpabilité par rapport à la décennie précédente.
Pascal Dupuy

mercredi 11 janvier 2012

Le Pub Rock


       Le Pub Rock est une variante du rock qui apparait en Grande-Bretagne au début des années 70, plus exactement entre 1973 et 1974, et qui préfigure le mouvement punk.  Son nom vient du fait que les pubs étaient les seuls endroits à accepter les groupes jouant cette musique. Au début des années 1970, alors que les hit parades sont envahis par les groupes de rock progressifs, avec des morceaux symphoniques comme ceux de Pink Floyd, de jeunes musiciens britanniques demandent un rock plus excitant et plus près de ses racines blues et rhythm’n’blues, dans la lignée des Rolling Stones des années 60. Ces groupes commencent généralement par des reprises du blues et du rhythm’n’blues comme Chuck Berry, jouées souvent plus rapidement.  Ces reprises sont bientôt accompagnées de leurs propres compositions donnant naissance à un rock énergique. Brinsley Schwarz est l’un des groupes précurseurs de ce mouvement. Faute de pouvoir trouver des salles de concert de petite taille correspondant à leur public, ils décident de jouer dans des pubs. Les propriétaires de ces établissements se rendent rapidement compte du bénéfice de tels concerts sur leur chiffre d'affaire et nombre d'entre eux aménagent leurs locaux en fonction. 
        Ce mouvement reste assez peu connu du grand public, du fait de la courte durée de son succès et de l’arrivée du mouvement punk qui crée plus d’engouement. Pourtant certains groupes ont été numéro 1 en Grande-Bretagne. Cependant le mouvement ne disparait pas. Le Pub rock est une étape importante de l'évolution du rock. Il permit la création d'un réseau d'endroits pour jouer en public, qui a son tour encouragea la création de nombreux groupes. Il encouragea aussi la création des premiers labels indépendants, avec d'abord Stiff Records, puis de nombreux autres. Il fut ainsi d'une grande influence dans le développement du mouvement punk.

Principaux groupes Pub Rock :

  • Dr. Feelgood

Dr. Feelgood est le groupe britannique sans doute le plus représentatif du genre. Il est essentiellement articulé autour du chanteur et harmoniciste Lee Brilleaux (Lee Collinson, 1952-1994) et du guitariste Wilko Johnson (né en 1947). Leur style est une sorte de rhythm’n’blues puissant et minimaliste, fait de compositions originales et de nombreuses reprises de standards du blues et du rock 'n' roll. Le nom du groupe vient de l'argot anglo-saxon désignant l'héroïne ou un médecin disposé à prescrire une surabondance de médicaments. En 1962, ce même nom est utilisé par le pianiste et chanteur de blues américain Willie Perryman.
            En 1964, deux amis d’enfance John Wilkinson (Wilko Johnson) et Johnny Martin (The Big Figure), fondent leur premier groupe, les Roamers à Canvey Island. Wilko Johnson rejoint une autre formation, The Heap, qui s’arrête en 1967 suite à son départ pour Newcastle ou il obtient une licence de Lettres. A son retour à Canvey Island en 1971, il rencontre Lee Brilleaux et John B. Sparks jouant dans la rue. Ces derniers lui proposent de former un groupe. Johnny Martin est rappelé.
             Le groupe se produit dans les pubs du sud-est de Londres d’après les recommandations de Will Birch (ils accompagneront le chanteur Heinz) et commence à recevoir un accueil de plus en plus enthousiaste du public, ce qui attire l’attention du label United Artists qui les fait signer en 1974.Le premier single "Roxette" sort fin 1974, suivi de l’album "Down By The Jetty" considéré comme un ovni. En effet, l’époque est aux progrès technologiques, au gigantisme. Cet opus a été enregistré en mono, en une seule prise, et la pochette est une "simple" photo en noir en blanc. C’est néanmoins "Malpractice" qui apporte le succès au groupe et le live "Stupidity" qui les sacre : il sera à la première place des charts en Angleterre. 

Dr. Feelgood - Roxette :





 Philippe Manœuvre a écrit cet article concernant l’album live « Stupidity » de Dr. Feelgood : 

 
"Je l’ai toujours dit, toujours su ! Depuis ce premier concert auquel j’ai assiste au premier janvier au Marquee, après le Bataclan, l’Olympia, Orange, La Villette rouge, finalement, voici le disque de Doctor Feelgood qui est aussi bon que sa légende ! L’album enregistré en public qui e laisse rien passer, celui qui vous envoie d’un uppercut sur le tapis et vous fait revenir en rampant pour en redemander ! Doctor Feelgood live ! Le premier disque des Feelgood fut accueilli avec réserves. Le temps ne les a pas levées. Un son trop restreint, malgré une flopée de petits morceaux vicieusement courts. Le second était meilleur, mais même s’il levait les ambigüités et révélait en Brilleaux un chanteur de la classe des plus grands (entre Burdon et John Kay), il n’était pas aussi crucialement revigorant que les concerts du damné Dicteur.

Ici, vous aurez tout, et cela signifie foutrement plus qu’avec n’importe qui. Cet album est de la classe star. La basse de Sparko n’a jamais été mieux enregistrée. Sur "Talkin’ About You", il vous tapisse le bas-ventre de feu. La guitare de Wilko Johnson est capturée dans ses soubresauts les plus tueurs. Un guitariste qui peut retrouver à lui tout seul et à la fois la virtuosité de Chuck Berry et la sonorité de Bo Diddley est un génie dans mon journal intime. Lorsqu’il s’aventure dans des solos explosifs et perce le gruyère à la nitroglycérine, comme ici, il s’impose comme le successeur absolu des Groovies, des Who, et j’en passe. Figure, le big batteur, a enfin trouvé son style, et son tempo est aussi saturé et concerné par ce qui se passe qu’on pouvait espérer qu’il le deviendrait. J’espère que vous ne comptez pas sur moi pour vous décrire les nouveaux arrangements de "I’m a Man", de "Walking The Dog" ou de "I’m a Hog For You Baby".

Je me ferais ce faisant penser à ces critiques stupides qui dévoilent le nom de l’assassin à leurs lecteurs. Et ça ne me laisserait pas assez de place pour louer Mister Lee Brilleaux, le grand vainqueur de l’affaire. Ses cris d’étripé, sa voix extasiée modulant un perpétuel Rock’n’Roll, ses solos d’harmonica purs comme l’enfer, me mettent en transes. Et voilà, chers petits amis ! Et vous aussi, mignonnes lectrices, sachez que cet album dont vous voyez la pochette reproduite est capable de rivaliser avec tous les grands albums live qui donnèrent au Rock cet aspect de bête furieuse et sauvage, de fauve au poil collé que l’on enfourche pour des chevauchées asphyxiantes. Le son est fabuleux, intense. J’ai testé ce disque avec un indicateur de puissance instantanée : sur "Goin’ back Home", on voit des crêtes de 55 watts d’un seul coup ! En dirai-je plus ? En dirai-je plus ? Oh, là, là ! je n’en dirai pas plus."


Philippe Manœuvre.
© Rock & Folk n°118, novembre 1976 

Dr. Feelgood continua, fidèle à la tradition jusqu'à la mort de son chanteur Lee Brilleaux en 1994.

Pour plus d’informations sur Dr. Feelgood : http://www.drfeelgood.fr/

  •  Eddie and the Hot Rods

       Paul Gray répond 13 juillet 1975 à une annonce « recherche bassiste ». Le lendemain il va à Canvey Island pour passer l’audition. Il pensait ne pas être pris et pourtant c’est lui qui est retenu.
Eddie & The Hot Rods voit ainsi le jour à Southend, Essex, région prolifique puisqu’elle voit éclore d’autres formations comme Docteur Feelgood, Nine Below Zero.
        Le groupe se compose donc de Dave Higgs à la guitare, Steve Nichols à la batterie, Lew Lewis à l’harmonica, Barrie Masters au chant et Paul Gray à la basse.
        Pour l’anecdote, Eddie est le nom d’une marionnette que Barrie Masters utilisait à ses débuts sur scène : "Nous avons fabriqué cette marionnette de 6 pieds 6 pouces (environ 2 mètres) avec un chapeau mou, un costume rayé et des lunettes de soleil. Nous le suspendions dans une sorte de cage à perruche qui se trouvait à l'arrière de la scène, là où il faisait très sombre. J'allais vers lui et lui parlais pendant la représentation. A la fin du concert, on le flanquait par terre et on le tabassait. Nous avions l’habitude de l’appeler Eddie, c’est de là d’ou vient notre nom."

         Ed Hollis rejoint la troupe un mois plus tard. Tel Ian Stewart des Rolling Stones, Ed Hollis endossera le rôle de "cinquième membre"... Les choses vont alors s’enchainer très vite. Il leurs dégotte un concert londonien, au Kensington. Au travers de ses concerts, et en l’espace seulement de trois mois, le groupe se forge une solide réputation, l’énergie débordante dégagée par Barrie Masters n’y étant pas pour rien. C’est cette même énergie qui contaminera un certain Howard Thompson d’Island Records qui les fait signer pour un contrat de cinq ans.
          Leur style se rapproche dans un premier temps du Rhythm’n’Blues (Rolling Stones du début, The Who, The Kinks…) mais Eddie & The Hot Rods apporteront une certaine rapidité et dureté se rapprochant davantage du Punk-Rock que du Pub-Rock, les textes des chansons évoquant davantage l’adolescence et ses "problèmes", que la lutte des classes… permettant probablement une plus large identification du jeune public au groupe. Leur premier album s'appelle d'ailleurs "Teenage Depression". Pierre Dauriac, qui a plusieurs fois fait jouer le groupe en France, témoigne : "Quand le Punk est arrivé, il a donné de la fraîcheur. Car dans les années 70, il y avait beaucoup de musique surfaite, des grosses machines. Le Punk était un mouvement musical qui - même s'il est né en Angleterre pendant la période thatchérienne - ne portait pas vraiment de revendication politique. À l'exception des Clash bien entendu. Tout était basé sur l'énergie."

         Le rythme des concerts s’accélère, les Hot Rods sont contraints de quitter leurs emplois "journaliers" pour se consacrer à plein temps à la musique. Suivent leurs premiers enregistrements.
Eté 1976. Le groupe joue au fameux Marquee Club à Londres, alternant avec une autre future légende, australienne cette fois-ci, AC/DC. Club qui ne leur était pas inconnu puisqu’ils s’y étaient produits en février avec comme premier partie les Sex Pistols encore inconnus au bataillon. Ces derniers auraient fracassé le matériel des Hot Rods, ce que les media ont commenté en long et en large dans leurs colonnes, "Rods versus Pistols" (sans rappeler la polémique Stones/Beatles)

Eddie and the Hot Rods ont eux-aussi été numéro 1 en Angleterre grâce à leur chanson "Do Anything You Wanna Do" : 



         En 1977 arrive l’apogée du Punk. "La scène musical a changé à jamais, le Punk a rendu possible avec trois accords la formation d’un groupe. Souvent les mêmes accords d’ailleurs… The Damned, The Clash, The Stranglers… nous étaient contemporains et nous jouions fréquemment dans les concerts des uns et des autres." Année jonchée de tournées, de show télévisées, d’enregistrements… Le EP live "At The Sound Of Speed" (clin d’œil à l’opus des Wings "At The Speed Of Sound" sorti l’année précédente) qui produit cette année là traduit bien cette ambiance live. C’est en l’enregistrant que les Hot Rods font la connaissance du guitariste Graeme qui les rejoint ponctuellement sur scène avant de devenir un membre à part entière.

Aujourd’hui le groupe existe encore et joue toujours, avec Barrie Masters comme leader. D’ailleurs ce groupe est plutôt moderne puisqu’il a un myspace : http://www.myspace.com/eddieandthehotrods


 
          D’autres groupes ont marqué le Pub Rock. C’est le cas par exemple de Brinsley Schwarz, Nine Below Zero, Ace, The 101’ers (premier groupe de Joe Strummer). En France, le groupe Little Bob Story se rapproche de ce mouvement.

 


Aujourd'hui le Pub Rock n'est pas mort, puisqu'en 2011 la tournée "Pub Rock Legends" a réuni Dr. Feelgood, Nine Below Zero, Eddie and the Hot Rods et Classic and Troubles.